Il serait peut-être plus simple de révéler que seulement 22,6% des pages web que nous visitons ne cachent pas un traceur de pub (ad tracker) derrière un pixel ou un script… Soit, pour nous européens, probablement moins d’un quart des sites web qui, le 28 mai prochain, seront en conformité avec le RGPD/GDPR sur cette seule pratique.

Certes, le monde de la publicité a besoin de nous connaître et d’analyser nos comportements. Et il a besoin de technologies pour nous repérer, nous cibler, pour pratiquer le targeting et le retargeting. Mais à abuser de ces technologies, l’utilisateur que nous sommes ne risque-t-il pas inévitablement l’overdose ? Et surtout le législateur européen et son RGPD de se courroucer ?

Tracer les pages que nous visitons

Une étude menée par Cliqz et Ghostery sur 144 millions de pages web visitées a révélé que les trois-quarts d’entre elles renferment 1, 2, 3, et jusqu’à ne plus compter de traceurs cachés derrière des pixels ou des scripts qui s’activent dès que nous les visitons.

Ces pages web renferment :

  • 16,2% - 10 traceurs et plus
  • 43,6% - Entre 2 et 9 traceurs
  • 17,6% - 1 traceur
  • 22,6% - Pas de traceur

Sans surprise, c’est Google avec sa solution Google Analytics qui est le plus présent, mais DoubleClick et AdSense ne sont pas loin. Facebook aspire également à figurer dans ce classement, son service Facebook Connect est aujourd'hui présent sur 21,9% des pages web analysées, soit déjà plus d'une page sur cinq.

Quel regard devons-nous jeter sur cette pratique ?

D’abord, bien évidemment, le professionnel que nous sommes affichera un regard compréhensif pour l’industrie, et la nécessité d’analyser nos comportements à la fois pour optimiser les investissements publicitaires, mais surtout pour mieux connaître le client et déterminer les tendances.

Un regard réprobateur, également, car même professionnels, nous sommes avant tout dans notre quotidien des consommateurs, et il n’est jamais agréable de se savoir tracé à son insu, et pas toujours pour des motifs qui se justifient.

On comprend mieux également pourquoi environ un tiers des internautes dans le monde utilisent ou vont utiliser en 2018 un ad blocker, ces programmes qui bloquent les pubs, mais aussi les traceurs. Mais que le professionnel se rassure, de grands acteurs comme Google, Facebook ou Snapchat disposent ou travaillent sur des technologies qui leur permettront de nous tracer sans traceur !

Et le RGPD dans tout ça ?

La dernière question que l’on peut se poser sur cette pratique, c’est celle du respect des règles relatives à la protection des données relevant de la vie privée ? Et donc inévitablement de l’application prochaine du règlement européen GDPR/RGPD ?

Sans surprise, l’étude est américaine et n’évoque pas ce sujet. Tout comme la presse mondiale qui en a été le relai. Mais cette question ne peut que titiller notre fibre européenne. Nos amis du marketing, tous adeptes de la constitution de bases de données clients, sont bien en mal de répondre à cette question qui les interpelle. Et qui pourrait remettre en cause les techniques d’achat programmatiques dans lesquelles ils ont largement investi au cours des dernières années.

En réponse à cette question, le discours des marketers est à l’assainissement du marché, qui serait un effet attendu de la mise en application de la régulation européenne. Il n’est pas certains que les acteurs du marché, massivement américains, l’entendent de cette oreille. Il est certains au contraire qu’à la date du 28 mai, date d'entrée en application du RGPD, les traceurs et autres cookies n’auront pas quitté les pages web que nous visitons. Ne serait-ce que parce qu’elles sont hébergées hors de l’Union européenne, et qu’à ce titre la GDPR est bien loin de figurer dans les préoccupations de leurs auteurs !

Comment dans ces conditions pourra-t-on mettre en application la règle d’implication de la chaine des fournisseurs et des sous-traitants, et contraindre des prestataires pour certains imposés (je pense aux entreprises filiales de groupes étrangers et à leurs marketeurs qui n’ont pas leur mot à dire sur les stratégies, les technologies et les fournisseurs avec lesquels ils travaillent !) à respecter le règlement européen ?

C’est un vrai casse-tête qui s’annonce, 's'annonce' oui car c'est un chantier sur lequel peu d’entreprises et encore moins de marketers seront prêts le 28 mai. Et là par contre, la situation ne peut que s’aggraver…